Le sol de l'immense clairière était recouvert de papier. Du papier d'une blancheur irréprochable, sans la moindre tache. Le papier s'étendait à perte de vue, jusque sous l'arbre généalogique. L'esthétique et la logique eurent préféré un saule, voire un chêne, mais l'histoire se déroulait malgré tout sous un arbre généalogique qui se dressait depuis des années en maître dans la clairière.
Louisianne se tenait debout, son corps nu embrassé par un vent timide. Louisianne ressemblait à un songe. Ses orteils effleuraient le papier, indécis, tandis que ses talons reposaient fermement sur l'herbe en lieu sûr. Après quelques instants d'hésitation, Louisianne versa le contenu d'une bouteille sur sa tête. Sa nudité fut lentement couverte d'un bleu ruisselant. Alors que son corps s'enduisait de peinture, la jeune femme avança résolument jusqu'au centre de l'espace tapissé de papier. L'y attendait déjà avec patience Victor, recouvert d'un rouge qui tombait en gouttelettes sur le blanc immaculé. Victor avait l'apparence déchirée. Oubliant tout ce qui existait à l'extérieur de ce monde de papier, ils firent l'amour en naufragés, s'accrochant désespérément l'un à l'autre comme on s'accroche à la vie.
La lune se levait avec le sourire, complice. Lorsque le soleil, rouge de gêne, se réveilla pour prendre la place de son antagoniste, il fut témoin d'un tout autre spectacle à couper le souffle. Alors que Victor et Louisianne sommeillaient dans les bras l'un de l'autre sous l'arbre généalogique, la peinture séchait tranquillement sur son papier. Le bleu et le rouge dansaient la farandole, virevoltant et s'unissant parfois pour former des volutes d'un violet magnifique. Du violet de toutes sortes de tons, qui dessinait la beauté à notre place.
Plus tard, bien plus tard, la pluie tomberait. Le vent se déchaînerait. Les orages gronderaient. Le papier serait détruit en lambaux. Le violet se diluerait en gouttes qui disparaîtraient dans la terre. Mais là, à cet instant précis, quiconque entrait dans la clairière pouvait admirer la plus émouvante et la plus magnifique des oeuvres d'art.
Clara, club littéraire 08
jeudi 16 octobre 2008
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