samedi 25 avril 2009

Je voudrais

Je voudrais que le temps n'efface rien de ce qu'il y a en moi.

Je voudrais que les souvenirs qui me volent un sourire ne se fanent jamais.

Je voudrais que chaque frisson garde son intensité jusqu'à la fin.

Je voudrais que son image soit toujours aussi nette.

Je voudrais que ce qui est important aujourd'hui ne soit jamais du passé.

Je voudrais que chaque empreinte qu'il laisse sur ma peau reste intacte.

Je voudrais que mes joues rougissent toujours autant.

Je voudrais que le temps n'efface rien de ce qu'il y a en moi.

Clara, 25 avril 09

Bon, j'imagine qu'il fallait bien que j'écrive un petit texte quétaine et prévisible un jour.

mardi 14 avril 2009

Ma maison de riches

Je suis dans ma maison de riches. Seule, bien. Sans les riches de ma maison de riches. Autour de moi, aucune limite. L'argent semble être une ressource naturelle renouvelable. La pièce est si grande que les murs n'existent plus. Des miroirs, face à face, inventent l'infini. Mon corps s'étire sur le plancher chauffant. J'ouvre mes bras à l'abondance. On sonne à la porte de ma maison de riches. Un sourire naît sur mes lèvres. J'adore la surprise d'ouvrir une porte sur l'inconnu. Je dois courir des kilomètres pour atteindre l'entrée. J'ouvre, je ris pour rien.

FLASH.

Je hais cet instant après un choc où l'on ne comprend rien de ce qui se produit. Mes yeux se ferment, éblouis, et je m'écroule malgré moi. L'homme et son air rigide entrent d'un pas rapide sans même m'accorder un regard. L'impuissance m'enrage encore plus que le feu qui brûle mes yeux. Mes paupières sont fermées mais voudraient l'être encore plus. J'entends l'homme marcher dans ma maison de riches. Il marche trop fort et partout, se promène de pièce en pièce, traîne son arme avec lui. Chaque flash de son appareil photo me donne un coup dans le ventre. Encore éblouis, mes yeux s'ouvrent et suivent l'homme. Je suis toujours un débris dans l'entrée de ma maison de riches, on me croirait sans vie. Je veux hurler. FLASH. L'homme pointe son appareil photo sur chaque objet. FLASH. Il profane tout ce qu'il trouve. FLASH. Chaque parcelle de ma maison de riches est prise en photo. FLASH. Il ne reste plus rien, plus rien que l'image sur la pellicule. L'homme prend une ultime photo. FLASH. Et sort en m'accrochant au passage, du même pas rapide, du même air rigide, toujours sans regard pour moi.

Étendue sur le plancher froid d'une maison vide et en ruines, je pleure tout ce que j'ai à pleurer.

Clara, 13 avril 09

Bon. Probablement. Probablement que ce n'est pas mon meilleur pour vous. Tant pis. Inspiration involontaire de môsieur Buteau, et d'un autre quelqu'un que je ne nommerai pas parce qu'il n'a pas le beau rôle dans l'histoire. Point.

L'autobus 34 vers la liberté

Ç'en était trop. Il l'avait encore battue parce que le repas n'était pas prêt. Le matin, elle avait encore dû mentir aux voisines qui la questionnaient de plus en plus sur ses ecchymoses. Elle avait encore perdu un enfant qui était sa sortie de secours. Il y avait des encore qu'elle ne supporterait plus. Ce salaud se ferait à manger tout seul, car à 18h30, elle serait dans l'autobus 34 vers la liberté. Elle quitterait la ville pour ne plus jamais y revenir. Elle changerait de nom, referait sa vie, et aurait un enfant avec un homme doux et gentil qui prendrait soin d'elle. Elle vida les quelques tiroirs qui lui appartenaient et en mit le contenu dans un sac de sport. C'était celui du salaud. Elle partait avec son sac de sport et il serait furieux. Rien qu'à l'idée, un sourire sadique apparut sur ses lèvres. Elle continua à faire son bagage, la joie dans le coeur. Comme la vie serait bonne à partir de ce soir. Elle mit même quelques livres dans le sac, parce qu'elle aurait le temps de lire. Elle aurait le temps d'apprendre à jardiner, elle aurait le temps de se faire des amis et de sortir, elle aurait du temps pour elle. Elle prit tout plein de choses qui étaient à lui, et elle en était plus excitée à chaque fois. Le sac avait peine à fermer lorsqu'elle termina son bagage. Avant de partir, elle laissa une note sur la table. Une note sur laquelle elle avait fantasmé des années durant. ''Je te quitte''. Si simple, si bon. Elle sortit de l'appartement sans même verrouiller la porte, et marcha jusqu'au terminus en chantant. Elle vit l'autobus 34 démarrer et partir vers la liberté, quelques secondes à peine avant qu'elle ne l'atteigne. Les larmes lui montèrent aux yeux, et elle fit demi-tour. Son mari arriverait bientôt et le repas n'était pas encore prêt.

De la fenêtre du terminus, Étienne regarda la femme de 18h30 partir, son mystérieux sac de sport sous le bras. Il se dit que cette fois, elle avait bien failli arriver à temps.

Clara, 13 avril 09

L'innocence

L'innocence est le mot qui résonne, le mot à trous, le mot universel. Et quand il pleut, le chat lèche la fenêtre. Et le chat n'a plus soif. L'innocence est le mot qui cogne, le mot à deux visages, le mot parfait. Et quand il dit ''Je t'aime'', la fille ouvre les jambes. Et la fille n'est plus triste.

Clara, 13 avril 09

lundi 13 avril 2009

Éternité

-C'est Baie. Je sais que tu m'en veux. Ce n'est pas quelque chose que j'ai vraiment voulu. Il faut que tu comprennes. Tu devais passer à travers ça, tu devais tenir bon malgré l'épreuve, que ce soit infligé par moi ou par quelqu'un d'autre. Je sais que tu as envie de me tuer, pour le moment, mais écoute-moi. Si, un seul moment dans ta vie, tu dois écouter quelqu'un sans rien écouter d'autre, si une seule fois tu dois me faire confiance malgré tes instincts les plus forts, c'est maintenant...

Elle avait été tant de femmes à tant d'époques. Elle avait tant souffert. Toujours à la fin. Toujours lorsqu'elle était sur le point de s'en sortir, sur le point de vivre jusqu'au bout. Une épreuve de trop, et elle se plantait un couteau dans le coeur, elle se jetait à la mer avec un rocher aux pieds, elle avalait le poison que l'apothicaire s'était résigné à lui vendre, elle pointait le revolver de son mari sur sa tempe, ou elle se pendait. Pourtant, il y avait toujours eu quelqu'un pour l'avertir.

-Je me suis tuée tant de fois, mon Père, que c'est la seule solution que je connaisse. J'ai tant envie de vous croire, seulement je ne comprends pas.

-C'est pourtant fort simple, mon enfant. Vous savez bien ce qui arrive à ceux qui mettent fin à leurs jours.

-Tout cela est faux, mon Père, et je suis en mesure de le savoir. Pas de diable cornu, pas de flammes, pas de corps qui se consument pour l'éternité.

-C'est vrai, vous êtes là, devant moi. Pourtant, l'enfer existe et c'est directement là que vous irez. Parce que vous n'avez rien compris.

Une fois, elle avait trouvé l'amour. Il embrassait sa nuque et lui donnait des frissons, il lui disait ''Tu crois?'' avec des yeux rieurs, il faisait semblant de croire à ses histoires de vies antérieures, il lui faisait l'amour au ralenti. Un jour, elle le vit faire l'amour au ralenti à Baie, puis elle partit en courant jusque chez elle, verrouilla la porte et sortit le couteau de cuisine. Elle laissa sonner le téléphone et découpa tranquillement chaque veine de son poignet susceptible d'être la bonne.

La voix de Baie retentit à travers son répondeur. ''C'est Baie. Je sais que tu m'en veux.'' Même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pas entendu. Son sang qui se vidait était la sensation la plus horrible au monde. Celle de n'avoir plus de circulation dans les jambes, mais au centuple. Et partout. À côté de ce qu'elle ressentait, même se faire trahir par l'amour ne lui semblait plus si douloureux.

-... Ne fais pas ça, Lucie. Je t'en supplie, quoi qu'il arrive, ne fais pas ça. Tu ne t'aides en rien. Tout va recommencer, tout va être à refaire. Tu dois briser le cercle maintenant. J'ai si souvent cru que tu avais compris. Tu te souviens? Une fois, tu avais parlé avec le curé et tu semblais si sereine. Cette fois-là, il m'a fallu du temps pour me tuer à mon tour. Je n'arrivais pas à croire que tu n'aies pas compris. Puis une fois, tu l'as dit toi-même. Tu m'as regardée de tes yeux polaires et tu m'as dit : ''Tu sais quoi, Baie? Je vis un enfer.'' C'est là que je t'ai dit que je t'aimais pour l'éternité, et que je t'ai promis que je te suivrais en enfer, s'il le fallait. Je tiens toujours mes promesses, Lucie. Mais j'en ai assez. Alors ne fais pas ça.

On trouva son corps le lendemain matin, alors que naissait dans le pays voisin une petite fille aux yeux polaires. Elle avait une si longue vie à souffrir. Et si peu de temps pour comprendre.

Clara, 13 avril 09

Tes yeux

On a coupé tout autour. Il ne reste qu'eux. Seulement qu'eux. Seulement ces arbres qui semblent vouloir courir pour rejoindre leur forêt natale. Ils sont ensemble, mais ils sont seuls. Seulement seuls. Aussi seuls que bavards. Comment ne pas s'ennuyer si loin de chez soi? Comment ne pas s'ennuyer sinon tant dire, ou tant le vouloir? Qu'on recouvre les oreilles fatiguées ou chastes, il y a tout près des arbres qu'on a abandonnés à leur triste sort et qu'on se doit d'écouter. Seulement écouter. Dans le silence pur des bois, les conifères se meurent. Craignez Noël et parlez, vous qui avez tant à dire, parlez à ce monde qui a tant à entendre.

Clara, inspiré par les yeux de Marc-Olivier Beausoleil, 08

Regarde-moi

Je me réveille et il est là. Je fais semblant de dormir, mais je sais qu'il me regarde. Il me regarde toujours. Je mange, il mange à côté de moi et il me regarde manger. On va au cinéma et je sais qu'il ne regarde pas l'écran. Il ne regarde que moi. Quand on fait l'amour, peu importe la position, peu importe la luminosité, il ne ferme jamais les yeux. Il me regarde. Il y a bientôt 14 ans que nous sommes mariés et il me regarde toujours. Il n'y a que le jour, quand je pars travailler et qu'il fait je ne sais quoi, que je ne me sens plus regardée. Que je me sens libre. Que je suis assez à l'aise pour être moi-même. Moi, je ne le regarde jamais. Ses yeux noirs me font peur.

Elle est belle à mourir et je ne peux pas m'empêcher de la regarder en me disant que je suis le plus chanceux des hommes. Chaque seconde de sa présence, chaque seconde où elle est près de moi, rien ne me rend plus heureux que la regarder. Bientôt, elle aura un nouveau bureau au rez-de-chaussée et je pourrai la regarder par la fenêtre au travail. Il y a bientôt 10 ans qu'elle reste avec moi pour que je puisse la regarder. Jamais je ne remercierai assez Dieu de me permettre de la regarder. Jamais je ne remercierai assez Dieu de m'avoir donné des yeux noirs qui font peur. Jamais je ne remercierai assez Dieu que personne n'ait trouvé le cadavre de son mari au fond de la rivière noire qui fait peur.

Clara, 13 avril 09

Bwarf

Aujourd'hui, toutes mes écritures automatiques se ressemblent. VDM
www.viedemerde.fr

Boussole

Malheur intérieur à ce que mes joues mentent à pleines bouches. Lovée contre un infini qui tente de se grandir, je hurle la noyade qui brime mes poumons et assomme mon identité. Les années en file indienne me bousculent au passage, et je rage. Des pupilles trop grandes traquent mes envies, et je crie. Un nuage de quiétude sombre envahit les trous de mon crâne fracassé contre la rationalité. Le verglas est réciproque, quoi que je fuis. Arrête toutes les dentelles d'une vie à cent fins, mutile les regards que tu ne peux contrôler. Le nord est partout, la flèche de ma boussole va en tous sens. J'agis en vertu. Sur la machine polyvalente canonisée, j'attends un signal qui viendra de ma tête. J'attends la fin d'un état intemporel. L'art de se tuer parce qu'on aime contrôler la mort. Un interrupteur qui bouge seul, personne pour le voir, le vide. Subir la raison si je veux donner tout ce que j'ai à gagner. Le vide.

Clara, écriture automatique, Joliette-Montréal, 28 mars 09